La souveraineté parce que …

 

« S’il n’accepte pas le risque, chaque citoyen peut manquer son avenir à jamais, comme l’homme qui a peur de la vie, comme la femme qui craint le futur qui pourtant, reste encore à bâtir« . – René Lévesque.

 

Parfois, mon peuple a peur. Demain fait toujours un peu peur.  Le changement aussi. Mais mon peuple est pacifique, généreux et créatif. Il a vu naître des défricheurs, des visionnaires, des bâtisseurs et des artistes de grands calibres. Mon peuple a peur. Trop peur, mais un jour quand il se lève, mon peuple est grand, debout. Ses pieds ne sont plus d’argiles. Ses souliers ont beaucoup voyagé.

 

Je crains l’assimilation de mon peuple. Je refuse la négation de sa différence. Je crains pour ce Québec qui ne compte plus que pour 23 % de la population canadienne. Ainsi, les anglophones, plus nombreux, se gonflent en nombre nécessairement plus vite. Je refuse que d’autres se taisent trop souvent ou se lèvent encore et parlent en notre nom. Je refuse que, mondialisation aidant, des décisions soient prises au plan international et que se soit chose faite, sans véritable représentativité de la distinction québécoise. Je refuse aussi à ce que de nouvelles circonscriptions, parce qu’implantées dans le reste du Canada, viennent diminuer encore plus le poids du Québec. Seule la perspective en elle-même est de trop. La voix québécoise est bien trop belle pour être ainsi réduite au chuchotement. Je refuse que le Canada, maintenant seul, puisse élire un gouvernement conservateur majoritaire au pouvoir. Une gouvernance si loin de ce que nous sommes. Pourquoi être une partie de quelqu’un d’autre quand, au fond, on peut être 100 %  soi-même ? À quoi bon quémander encore ce qu’on pourrait prendre, ce qu’on peut faire ? Les peuples, tous les peuples, n’ont-ils pas le droit de disposer d’eux-mêmes ? Ne vient-il pas un temps où il faut accepter son histoire et rencontrer son destin, ici souverainiste ? Je veux, comme des millions d’autres, le rayonnement de nos différences. Je veux la pleine vitalité de notre art, de notre culture, de notre langue, de notre identité, finalement.

 

Parce que le français m’est identitaire. Il est une partie de mon âme. Le français est résilient mais sa force est tranquille. Une langue se conjugue toujours avec beaucoup de fragilité lorsque son expression est minoritaire. Je vis au sein d’une nation, la seule en Amérique, où le français consacre la différence de ses gens. Je refuse sa précarisation alors que plus de deux cents amendements sont déjà venus affaiblir sa principale législation. Je veux une langue libre et fière. Trop de luttes sont déjà loin derrière. Et le français, lui, se souvient. Sa ponctuation est affirmative mais son verbe est conditionnel, conditionnel à nous. Que les autres langues soient un atout et non une habitude, ni non plus une simple préférence ou un libre choix. Je refuse à ce que l’histoire du Québec soit, un jour, enseigner en anglais. Je veux un français écrit, parlé, chantant, attractif, coloré, majoritaire, en ville, en campagne, à la maison, au travail. Je le veux fait d’accents, de poèmes, de patois, de légendes, de mots doux. Pour nos enfants et pour ceux qui restent à naître.

 

Parce que je veux recevoir les immigrants avec fierté comme de nouveaux québécois tout en sachant les accueillir avec un grand respect, commun entre nous. Je souhaite un Québec les choisissant et leur présentant réellement qui nous sommes tout en facilitant les moyens de leur intégration. Je refuse que le multiculturalisme leur soit présenté alors que ce « vivre ensemble » ne représente en fait que l’état canadien-anglophone des choses. Je refuse que nos immigrants prêtent allégeance à une reine et s’anglicisent. Je veux que leur intégration passe expressément par une citoyenneté québécoise comme projection respectueuse de ce que nous sommes. Je veux un état résolument laïc.

 

Parce que je nous veux détenteur et responsable de l’assurance-emploi comme de tout autres programmes sociaux destinés à favoriser l’autonomie, l’emploi et à lutter contre la pauvreté. Je veux une sociale démocratie pour mon peuple. Reconnaitre que tous ne naissent pas dans les mêmes conditions, que tous n’ont pas les mêmes dispositions, où l’entraide est une valeur fondamentale, où le bien public vaut plus que tout et où la répartition des richesses favorise l’égalité des chances. Je nous souhaite très loin du néolibéralisme. Je veux une démocratie participative de contre-pouvoir où le citoyen est au centre de tous les intérêts et où les médias d’actualités politiques informent réellement, objectivement. Je veux que les sièges sociaux, névralgiques à l’économie comme à tout autre domaine, aient leurs racines chez nous. Notre statut actuel ne représente tellement pas l’émancipation dont nous sommes capables. Je suis tanné d’être locataire et d’enrichir un propriétaire avec un bail que je n’ai jamais signé et, qui plus est, jadis, lors d’un mariage arrangé. Notre ADN n’est pas canadien. Notre sport national, pas plus. Notre hymne déjà chante en chœur: Gens du pays.

 

Parce que je veux avoir, pour mon peuple, une pleine manœuvre à réformer ses institutions et leur régime de gouvernance. Parce que le Québec possède son propre code civil et que je lui veux, au mérite de ce que nous sommes, un droit criminel conforme à nos valeurs; je prends acte d’un trop évident constat: le fédéralisme renouvelé n’est pas possible. Je refuse des peines inégales de sens les unes par rapport aux autres. Je refuse un régime axé sur la répression au détriment de la réhabilitation. Je refuse un état royal qui institutionnalise l’iniquité. Je refuse qu’un autre état nomme des juges qui ont un pouvoir quelconque sur nous alors même que plusieurs d’entre eux n’arrivent pas à prononcer leur jugement dans ma langue. Je refuse que la Charte d’une autre nation prédomine sur la nôtre. Je refuse une Cour suprême qui se substitut trop souvent à la politique. Je refuse un fédéralisme qui me place presque en tutelle. Je veux que le Québec puisse faire entendre sa voix à l’ONU, à l’UNESCO, à l’Organisation mondiale du Commerce comme à l’ALÉNA. Je veux discuter de pays à pays. Je veux le Canada comme voisin et comme partenaire au sein de la communauté internationale. Il ne saura se passer de nous.

 

Le Québec au Canada a le tiers de ses pouvoirs et la moitié de son budget, comment donc peut-il exprimer son plein potentiel ? Parce que je me soucie de mes taxes et de mes impôts; je veux que ce milliard ou presque envoyé chaque semaine à Ottawa soit désormais aux services de nos priorités. Ottawa ne nous redonne qu’en partie, selon ses choix à lui. Ses priorités ne sont pas les nôtres. Je suis tanné de financer des ministères en double, les uns ici, les autres ailleurs. Je refuse à ce que nos milliards continuent d’être au service des énergies sales, enrichissent les intérêts privées, endossent les idéologies militaires, cautionnent les économies d’évasion et détournent le bien public. J’aimerais que nos milliards soient, entre autre chose, investis en santé et en éducation, chez nous. Je veux un gouvernement démocratique, actualisé, transparent, intègre, près de la population et véritablement soucieux du bien public. Je veux un seul gouvernement, une seule élection, un seul budget, un seul impôt, une seule taxe, un seul drapeau. Je refuse la monarchie. Je refuse la guerre. Je refuse le statu quo. Je ne veux ni payer le salaire des sénateurs ni les artifices du gouverneur général, représentant de la reine. Elle qui vit d’Angleterre. Lors de la séparation d’un couple, n’y-a-t-il pas le compte des actifs et des passifs, le partage d’un certain patrimoine ? Mon Québec pacifique a déjà payé près du quart des immobilisations canadiennes. Alors faisons le compte.

 

Nos ressources minières, forestières, éoliennes et hydriques sont parmi les plus favorables comme les plus abondantes sur terre. Notre territoire est à faire rêver mais le contrôle de notre territoire, bordé d’eau, ne nous appartient même pas. Il faut que ça change. Nous possédons la ressource bientôt la plus prisée du monde. Notre eau est potable, abondante et renouvelable. Je veux que le Québec instaure l’indépendance énergétique, exempte de cette maudite dépendance au pétrole pour devenir de plus en plus près de l’énergie hydroélectrique et de l’utilisation des transports collectifs Je tiens trop à la richesse de mon Québec pour ne rien faire. Je refuse que soit dilapidé nos ressources naturelles. Mon Québec ne craint pas les défis environnementaux. Mon Québec n’est ni à vendre, ni à piller.

 

Certes l’indépendance n’est pas une finalité, c’est un instrument d’émancipation. La souveraineté ne se fait pas sur un coup de tête, elle se réalise à un coup de cœur. La souveraineté ne règle pas tout. Elle est un progrès.

 

Il n’y a rien de plus fort qu’un peuple debout, capable d’assumer son destin. Un jour mon peuple n’aura plus peur. Parce que.

 

Mon Québec est projet. Il est vert. Il est bleu. Il n’en tient qu’à nous.

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